Enfin le Grand
Jour arrive, depuis cet hiver avec Jean Louis nous avons en tête
de faire la fameuse ancienne classique, qui continue d'exister en
cyclosportive et en cyclotourisme. Longue de 624 Km, nous avons
fait des paliers d'entrainements depuis mars de 150 - 200 - 250
et 300 km. Puis un 415 km à deux le weekend de la Pentecôte,
histoire d'enchainer une journée et une nuit sur le vélo,
un peu dans les conditions de l'épreuve et de l'allure que
nous pensons adopter le jour J.
Fort de ces informations et des renseignements sur les horaires
et le tracé du parcours récupéré sur
le site Internet du BP2010, Jean Louis élabore " notre
feuille de marche " avec N° de routes, villages traversés,
horaires, points de contrôles
Bref vous le connaissez,
il manquait rien. Ma femme Christine nous a trouvé un hôtel
à 3 km du départ très pratique pour un départ
à 6h00 du matin (voir les photos de la chambre, vaut le détour
!).
C'est donc Christine qui nous emmène à Bordeaux, ce
vendredi 25 juin, Lauryne, ma fille fait partie aussi du voyage,
c'est elle qui fera les photos (je vous conseille d'y jeter un il).
Nous arrivons à Tresses (à 10 km du centre de Bordeaux),
lieu du départ. Nous récupérons nos N°
de plaques de vélo, les cartons de pointage et regagnons
l'hôtel, qui est occupé au ¾ par des cyclistes,
du coup le patron de celui-ci, nous a préparé un repas
pour le soir et un petit déjeuner copieux à souhait
le lendemain matin.
Samedi 16 juin : 4h15, nous prenons le temps d'absorber un solide
petit déjeuner avec d'autres cyclistes avec qui nous avons
déjà fait connaissance la veille. Des cyclistes français
mais aussi belges, espagnoles certains avec déjà huit
Bordeaux-Paris, deux ou trois Paris Brest Paris, et des " bleus
" comme nous.
Nous partons à vélo vers le départ, il fait
encore nuit, 5h50, nous faisons contrôler notre carte de route,
contrôle de l'éclairage, puis chacun prend le départ
tranquillement, un premier peloton prend forme quelques kilomètres
plus loin direction Libourne pour 62 km à travers la Gironde,
la route est belle, circuit plat, l'allure s'accélère
régulièrement, passer Libourne, nous avons déjà
fait 30 km dans l'heure, nous sommes largement au dessus de l'allure
décidée par Jean Louis, qui veut absolument s'en tenir
à ce qui était prévu (il a raison). Je fais
le " sourd ", je reste dans les premières positions
de notre peloton emmené à 35 km par une équipe
de cinq ou six jeunes espagnoles. Après 62 km nous passons
brièvement en Dordogne, je ne vois plus Jean Louis, je décide
de continuer " bêtement " à cette allure
jusqu'au 1er contrôle à 130 km. J'apprends plus tard
que Jean Louis s'est arrêté pour se découvrir
et continuer seul à son allure prévue, il se demandait
un instant s'il n'avait pas raté une route car il ne voyait
plus personne. Je me retrouve donc au 1er contrôle avec 10
mn d'avance sur Jean Louis et 10 mn que je perds à attendre
dans une file pour " pointer " et prendre le 1er plateau
repas, résultat Jean Louis arrive tranquillement, il n'y
a plus la queue, il est servi de suite et finalement nous commençons
à manger en même temps
Je comprends que ce que j'ai fait me sert à rien et est même
nul, et c'est bien ensemble que nous avions décidé
de faire la route.
Nous repartons à travers la Charente, 170 km de " casse
pattes " à la hauteur de Limoge jusqu'à la Vienne
à l'Isle Jourdain, km 230, lieu du 2ème contrôle.
Il est environ 17h00, il fait encore 31°C, nous nous sommes
beaucoup déshydraté tout au long de la journée,
jusqu'à 40°c sur la route. Sous le soleil, notre principale
préoccupation a été de trouver de l'eau durant
cette 1ére partie de journée. Nous repartons à
deux ; les uns et les autres étant un peu éparpillés
sur le parcours et aux différents contrôles et ravitos.
Nous atteignons l'Indre, la route ne " rends " pas et
c'est à partir de ce moment que la moyenne en prend un coup.
Prochain arrêt Martizay, contrôle N°3 au km 311
ou nous devons retrouver Christine et mes deux filles (dont la grande,
Lucie, récupérée par ma femme à Bordeaux
fera le voyage du retour avec nous).
21h Martizay est en vue, nous sommes à mi-chemin, la petite
famille est là, nous attendant devant le Pizzaïolo du
coin, nous faisons valider nos cartes, puis nous nous installons
sur un banc sur la place du village, décidé, je crois
de prendre du temps. Nous nous restaurons, Lucie, nous offre en
dessert des " cannelés maison " spécialité
de Bordeaux (c'est vrai qu'un gâteau " Paris-brest ",
à ce moment-là aurait peut être été
inapproprié)
Lauryne en profite pour prendre des photos sous tous les angles
à " la Manu " (sans que l'on s'en aperçoive).
Presque 1h30 d'arrêt, il est temps de repartir avec maintenant
1h de retard sur notre planning. Tan-pis, de toute façon,
c'est trop tard pour faire " un temps " notre objectif
est de rallier Paris. Nous sommes prêts à passer une
longue nuit sur le vélo, la nuit tombe, mon éclairage
principal avant est défectueux, heureusement l'équipement
de Jean Louis éclaire pour deux, il s'agit d'un moyeu avec
une dynamo intégrée relié à 1 phare
halogène, une petite merveille d'efficacité. Nous
reformons rapidement un bon groupe de 20 à 25 cyclistes pour
attaquer la nuit. D'ailleurs il fait très bon pour rouler,
la fraicheur donne des ailes à Jean louis qui roule bon train,
d'ailleurs, je serai souvent dans sa roue durant la nuit.
Le portable sonne, c'est Bruno, un collègue de travail et
de vélo qui m'appelle pour m'encourager et me souhaiter "
bonne nuit ".
Cela aurait peut être été sans intérêt
jusqu'à Noyer Sur Cher (Loir et Cher) Km 382 ville du 4ème
contrôle. Mais c'était sans compter sur deux événements,
en effets notre Bordeaux-Paris à nous, c'est la formule cyclo
à faire entre 32 et 36 heures pour être validé.
Mais il y a surtout la course des cyclo-sportifs " The Race
" des fous furieux qui se permettent de nous rattraper, peut
être de mémoire au bout de 360 km, tout en étant
parti 8 heures après nous (faites le calcul, moi, cela me
dépasse
.) enfin ils ne sont que 6, groupés,
à avoir réussi cet exploit, les autres arriveront
beaucoup plus tard par groupes de 15 à 20. D'ailleurs, je
signale que c'est bien la 1ère fois que je vois sur une course,
des coureurs, des routiers, nous encourager à leur passage,
nous souhaitant bon courage. Ça c'était le 2ème
évènement, mais la 1ère surprise, inattendue,
juste avant les 6 premiers, ce fut le passage impressionnant d'un
O.V.N.I., enfin plutôt d'un O.R.N.I. (Objet Roulant Non Identifié).
Tout d'abord au loin derrière nous, dans la nuit, des gyrophares
qui se rapprochent trop vite à mon goût pour que ce
soit une voiture qui ouvre la route aux 1érs coureurs. Il
est peut être 2h du matin, la 1ére voiture nous double
à environ 60 km/h, puis 20 mètres derrière,
une deuxième plein phare et gyrophare, et la surprise ? Elle
est coincée entre les deux véhicules, le fameux O.R.N.I.,
un uf blanc très allongé avec 2 roues de vélo
qui rentrent dedans, entièrement fermé avec dedans
un athlète de haut niveau qui doit donner tout ce qu'il peut
(j'imagine). L'engin peu atteindre les 70 km/h sur le plat. Les
mouvements parasites de l'engin de droite à gauche sont très
impressionnants (voir lien ci-joint pour un aperçu de "
la bête ") Après quelques commentaires le silence
reprend le dessus jusqu'au moment ou le téléphone
sonne pour la 2ème fois, c'est mon fils Matthieu qui m'encourage
à son tour, je lui avais dit que normalement il ne me réveillerai
pas cette nuit là. Nous arrivons au pointage N°4. Nous
repartons rapidement car moins de 50 km nous séparent du
point N° 5 Romanrentin-Lanthenay. 50 km qui seront très
long car nous n'avançons plus, la moyenne devient très
faible sur ce tronçon, cela fait plus de 20 heures que nous
roulons. Les yeux piquent, puis la fatigue prend le dessus, dans
un bourg, deux gendarmes en patrouille, surpris de voir passer régulièrement
des vélos, des voitures suiveuses, nous demandent de quelle
course il s'agit, tout surpris de nous voir rallier Bordeaux à
Paris d'une traite, en roulant toute la nuit. Enfin Romanrentin-Lanthenay
km 416, c'est exactement la distance que nous avons effectué
lors de notre dernier entrainement spécifique. Le ravito
à lieu dans une salle des fêtes. Certains cyclistes
ne savent plus très bien où ils sont. On en voit rentrer
sur leur vélo dans la salle, d'autres la tête enfoncées
dans le casque, front contre la table endormis devant un bol de
soupe encore fumant.
Nous trouvons la force de manger suffisamment, nous nous ne parlons
plus depuis plusieurs heures mais nous nous comprenons très
bien et puis nous pensons la même chose au même moment,
nos yeux sont fixés sur l'estrade de la salle où sont
allongés des corps de cyclistes encore casqués, certains
ronflent déjà très fort. Toujours en silence,
nous montons ensemble sur l'estrade, nous avons pensé au
même moment à nous reposer un instant. Nous voilà
allongé sue le parquet, il me semble que Jean Louis dort
déjà, je regrette de ne pas lui avoir demandé
combien de temps on resterait ici, je n'ose pas m'endormir. Après
une demi-heure incroyablement réparatrice, je vois que Jean
louis semble prêt à repartir. Il me dit en passant
que j'ai ronflé fort, et moi qui me plains toujours de ne
pas pouvoir dormir, enfin, je le crois
. Dehors l'humidité
est tombée, le vélo mouillé et froid, nous
avons du mal à nous réchauffer, il fait encore nuit
noir, Jean Louis semble toujours motivé pour rouler au phare,
il repart encore bon train, un petit groupe se renforce dont un
belge suivi par sa voiture, la présence de cette voiture
est plus gênante qu'autre chose, d'autres groupes de la course
des " élites " nous dépassent encore. Il
est plus de 5 heures, la Sologne et son interminable forêt
est décidemment très fraiche. Il faut attendre le
Loiret km 480 pour nous réchauffer un peu. Jean Louis me
propose de faire un arrêt petit déjeuner au km 500
à Châteauneuf sur Loire. Sur Loire? Je viens de réaliser
que nous n'avons pas encore passé la Loire. Le moral en prend
un coup avant de visualiser dans ma tête la carte de France
en imaginant la boucle qui remonte assez haut en dessous de Paris,
et puis le moral revient comme il est parti en pensant tout simplement
qu'il reste 145 km à faire, Loire ou pas Loire !
Châteauneuf sur Loire, sur la Loire donc ! Il est 8h00 du
matin, nous nous arrêtons dans une boulangerie nous commandons
deux pizzas et quatre pains aux chocolats. Nous apprécions
cette halte non prévue par l'organisation, j'en profite pour
prévenir Christine de notre heure de passage à Autruy
Sur Juine, pointage N° 6 à l'entrée de l'Essonne,
en effet nous aurons plus de 2 heures de retard sur l'horaire initialement
prévu. Nous avons retrouvé un bon rythme dans un petit
groupe, le soleil commence à chauffer, il n'est que 9h30,
nous traversons la Beauce avec ses routes et parcelles rectilignes
toujours le mêmes paysages, et puis toujours ce vent de face,
modéré mais présent depuis maintenant plus
de 21 heures sur le vélo. Il nous ralenti souvent, un autre
groupe nous rattrapent, nous tombons sur le grincheux du jour, un
" Suisse " enfin, il en porte le maillot national, qui
nous reproche rapidement de ne pas participer aux relais, j'en fais
pars à Jean Louis qui s'en fou royalement, il lui en faut
d'autres pour l'émouvoir. C'est vrai que depuis le départ
nous avions toujours fait plus que notre part dans les différents
groupes. 11 heures enfin le " C6 " km 556, ma femme et
mes deux filles sont là. Lauryne en profite pour faire une
nouvelle série de photos.
Dernier round, 68 km jusqu'à l'arrivée, cela peut
sembler une formalité quand on part " de zéro
" mais après 31 heures de vélo c'est interminable.
Quatre belles cotes nous attendent encore avec de forts pourcentages
par endroits. L'une d'elle s'appelle la cote de l'escargot ! À
onze km de l'arrivée. D'ailleurs avant cette dernière
cote du coté de Marcoussis nous pensons qu'il nous reste
neuf km à parcourir, juste avant de découvrir un joli
panneau indiquant " arrivée a 20 km ". Super efficace
pour nous décourager, il n'en fallait pas plus pour en profité
de mettre pied a terre deux ou trois minutes une dernière
fois avant l'arrivée. Une dernière descente signalée
dangereuse, quelques ronds-points inévitables dans la banlieue
de Ballainvilliers et enfin nous voyons de plus en plus de signaleurs
qui nous dirigent vers l'arrivée. La ligne est enfin franchie,
un dernier pointage et notre carton part pour la validation. Un
plateau repas sera le bienvenu, un brin de toilette, des "
affaires civiles " et nous allons chercher notre diplôme
et trophée souvenir. Nous ne resterons pas plus longtemps
sur place, nous voila déjà sur le trajet du retour
vers nos domiciles, bien content d'avoir réussi notre aventure
de 624 km, 4900m de dénivelé, 17000 Kcal de brulées,
en 32h ¾
Pour terminer je dirai que nous avons pensés à Didier
et Jean Yves qui ont fait il y a trois ans le PARIS BREST PARIS,
1200 km sous la pluie ; cela mérite un grand coup de chapeau
! Et comme a dit Jean Louis " il n'y a qu'eux qui peuvent savoir
de quoi il s'agit
TB.
Lien pour l'o.r.n.i: http://www.youtube.com/watch?v=NYmMMTIrwSQ&feature=related
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